• Les animaux dans la littératureAlors que Descartes comparait les animaux à des machines dépourvues d’âme, incapables de penser, la grande attention que la littérature a portée aux animaux a souvent « réhumanisé » nos amis poilus. Compagnons des héros littéraires ou héros eux-mêmes, symboles des hommes et des sociétés, les animaux en littérature sont comme des humains et … inversement ! 

    Animaux, compagnons des héros 

    Que serait le chevalier sans son cheval ? Celui-ci, plus qu’un mode de locomotion, le grand équidé est avant tout un compagnon unique pour les chevaliers. Une amitié forte les lie souvent, comme Bucéphale et Alexandre le Grand. Dans le Roman d’Alexandre, le héros légendaire protège son fidèle destrier lors des attaques. Furieux lorsque le cheval est tué, il lui consacre une tombe, et fonde sur cette sépulture une ville qu’il nomme Bucéphale, en hommage au plus fidèle de ses amis.

    Parfois, certaines amitiés entre humains et animaux sont plus inattendues, comme dans le roman de chevalerie Yvain, le chevalier au lion, où le héros apprivoise un lion, qui lui fait cadeau en retour de loyauté et d’affection.

    Les animaux sont des compagnons indispensables du récit. L’histoire de J.K. Rowling n’aurait-elle pas moins de piquant sans la chouette Hedwige, le chat Pattenrond, le rat Croûtard (surtout lorsque ce dernier se révèle être Peter Pettigrew, que tout le monde croyait mort) ?

    Les animaux qui deviennent des héros

    Le vent dans les saules de Kenneth Graham, publié en 1908, demeure un classique en Grande Bretagne. Un blaireau, un crapaud, une taupe et un rat y sont les protagonistes et vivent d’incroyables aventures. Le Chat Botté de Charles Perrault, érige l’animal en héros humain par sa façon de s’habiller et de parler ; un protagoniste de premier ordre, sans qui son maître n’aurait jamais pu épouser la fille du roi.

    L’Appel de la forêt de Jack London met en scène un chien domestique, qui revient à son état naturel et sauvage, un thème repris dans Croc Blanc. Ayant effectué un véritable travail d’anthropologue, l’écrivain américain se récrie contre les critiques qui voient ses protagonistes canins comme des allégories humaines.

    « L’écriture de ces deux histoires était en vérité une protestation de ma part contre “l’humanisation des animaux, dont il m’a semblé que plusieurs “écrivains d’animaux” étaient profondément coupables. » 

    Anthropomorphisme : les animaux comme masque et miroir des hommes et de la société 

    De nombreuses espèces animales, par leur apparence et leur caractère particulier ou leur place dans les mythes, sont devenues des symboles, des allégories, dont les écrivains ont su faire usage. Le champion de l’anthropomorphisme est sans aucun doute La Fontaine.

    « Les fables ne sont pas seulement morales, elles donnent encore d’autres connaissances. Les propriétés des animaux et leurs divers caractères y sont exprimés. Par conséquent les nôtres aussi, puisque nous sommes l’abrégé de ce qu’il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables. Quand Prométhée voulut former l’homme, il prit la qualité dominante de chaque bête : de ces pièces si différentes il composa notre espèce. Il fit cet ouvrage qu’on appelle le petit monde. » (Préface des Fables de La Fontaine)

    Dans les fables, La Fontaine utilise les animaux pour représenter, en fonction de leur caractère et leurs facultés, des traits humains et créer ainsi une grande fresque allégorique de la société. Chaque caractère humain est mis en exergue par sa représentation animale : le renard est rusé, le loup est cruel, l’agneau est naïf, et l’âne, stupide…

    Ce processus d’anthropomorphisme est présent dans la nouvelle de Daphnée Du Maurier, The Blue lenses : une femme ayant subi une opération des yeux se met à voir tous les gens autour d’elle avec la tête de l’animal dont ils se rapprochent le plus en caractère. Ce défaut de vision lui permet de découvrir la vraie personnalité de son entourage : l’infirmière avec qui elle s’était liée d’amitié se trouve avoir une tête de serpent, son mari une tête de vautour, etc.

    La figure de l’animal fait aussi office de masque, utilisé par l’écrivain pour peindre la société. Ainsi, chez La Fontaine, le lion incarne le roi de France, pour dissimuler les critiques faites à son encontre. Ce processus, quoique facilement identifiable, permet d’outrepasser la censure. 

    Si l’anthropomorphisme donne davantage de liberté et de caractère à la satire, le procédé renforce également la personnification de la morale. Perrault, dans Le Petit Chaperon Rouge apprend aux jeunes filles à se méfier des inconnus ! Et quoi de plus effrayant pour ce faire que la figure d’un loup qui mange votre grand-mère puis vous invite dans son lit !

    L’anthropomorphisme du XIXe siècle à nos jours 

    Depuis le XVIIe siècle, l’anthropomorphisme a traversé les époques. Victor Hugo l’emploie dans son poème satirique « Fable ou histoire », où un singe réussit à effrayer et subjuguer le règne animal en se couvrant d’une peau de tigre, référence évidemment à Napoléon III qui, après un coup d’état, avait pris le pouvoir et s’était affublé du nom de son oncle Napoléon Bonaparte.

    Pour représenter la montée du nazisme, et la fascination qu’il a engendré chez les collaborateurs, Ionesco dans Rhinocéros met en scène un village envahi par ces mammifères, dont la couleur grise se rapproche des uniformes SS. Dans la pièce, les habitants, fascinés par ces bêtes puissantes, se transforment eux aussi en rhinocéros.

    Enfin, l’exemple le plus célèbre d’anthropomorphisme dans la littérature du XXe siècle est sans doute La Ferme des animaux de George Orwell. Au sein de cette ferme où les animaux se révoltent et chassent les humains, l’écrivain anglais effectue une satire de la Révolution Russe et du communisme staliniste qui s’ensuit. Les animaux de la ferme vivent heureux pendant un temps sous l’utopique commandement qu’ils ont mis en place : « Tous les animaux sont égaux ». Bientôt, le cochon Napoléon s’impose en leader unique, et commence à exiler ou à exécuter les animaux qui s’opposent à ses idées. Il laisse ses sujets dans le besoin, tandis que lui vit dans le luxe, et commence une alliance avec les humains, se mettant à marcher sur deux pattes et s’habiller, comme eux. L’adage de cette communauté animale change et devient finalement : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ».

    Ashley Cooper

    Source : lecthot.com


  • L'anthropomorphisme dans les contes pour enfants de Gabrielle Roy

     


  • Onomastique et humour : Mes notes de lecture de Moby Dick.

     Par Jean-Yves Cordier

    L'onomastique de Moby Dick"Il aimait à épousseter ses vieilles grammaires ; d'une certaine manière, cela lui rappelait qu'il était mortel." Herman Melville, Moby Dick. 

    Sur quel océan me suis-je embarqué ? Le fond de cet article ne pourrait jamais être sondé, fût-ce avec une ligne de 18 fils de 120 brasses. J'abandonne toute idée d'exhaustivité ; ce ne sera qu'une esquisse, que dis-je, même pas : l'esquisse d'une esquisse ; que Dieu me garde de jamais rien parfaire. Je publie en l'état. 

     

    I. ONOMASTIQUE. 

    S'il est un livre qui s'attache avec humour à l'origine des noms, comment cela ne serait-il pas Moby Dick ? Melville n'a-t-il pas dressé Humour et Étymologie comme deux marraines qui président au lancement de l'ouvrage, deux fières cariatides soutenant l'édifice, lui qui débute par son Étymologie (fournie par un pion de collège qui mourut tuberculeux) et la fait suivre par un petit prologue de ses Extraits, autoportrait en bibliothécaire parcourant l'océan des rayonnages, naviguant sans fin sur la mer Vaticane qui est un des grands bonheurs de la littérature comique? [si réussi, si hilarant que je résiste difficilement à me payer le plaisir de le recopier ici]. 

    Comment Melville choisissait-il les noms de ses personnages et de ses navires ? Glissait-il au hasard la lame acérée de son vistemboir sur la tranche dorée de sa Bible et de ses Encyclopédies pour y trouver, désigné par le doigt de Dieu, le nom de baptême de ses héros ? Pour trouver la réponse à cette question, il suffit d'inscrire sur son moteur de recherche "Onomastique" et Moby-Dick". Las, aucune réponse réelle sur les 1870 propositions (seulement). Allons, il suffit de consulter la riche bibliographie de l'édition Pléiade de Melville ! Aucun ouvrage, aucun article ne s'y consacre. L'onomastique de Moby-Dick, avec ces centaines de noms d'auteur, serait-il un serpent-de-mer qu' aucun universitaire n'oserait se vanter d'avoir capturé ? Impossible. Je suis, seulement, un piètre explorateur des immensités textuelles, et, dans quelque réserve, les mémoires consacrés à ce sujet mythique attendent, jalousement gardés par un directeur de thèse attendant sa grande heure, une triomphale publication sous son nom.  

    Ou encore, la Bête onomastique trop pourchassée aurait-elle sondé ? 

    Croulant sous son propre poids, le Sujet en or aurait-il été détruit par quelque Moïse par ordre d'un Éditeur jaloux ? 

    Ce vase séfirotique trop riche des 777 noms propres de l'Œuvre se serait-il brisé en d'innombrables étincelles qui, désormais mêlées à des scories qélipothiques et éparpillées dans les foot-notes de milliards d'ouvrages, ne pourraient plus être rassemblées ? 

    Qu'adviendra-t-il de ce misérable blog s'il se lance à la quête de ce Graal ? Est-ce ici le Lieu secrètement désigné depuis cent cinquante ans pour en voir, sonnez hautbois, résonnez musettes, le joyeux avènement en l'humble étable dont je serai l'âne? Ah, avec quel enthousiasme alors viendrais-je alors réchauffer de mon museau le petit être et lui faire les marionnettes avec mes oreilles ! 

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  • On Seeing Human: A Three-Factor Theory of Anthropomorphism

     

    Anthropomorphism describes the tendency to imbue the real or imagined behavior of nonhuman agents with humanlike characteristics, motivations, intentions, or emotions. Although surprisingly common, anthropomorphism is not invariant. This article describes a theory to explain when people are likely to anthropomorphize and when they are not, focused on three psychological determinants—the accessibility and applicability of anthropocentric knowledge (elicited agent knowledge), the motivation to explain and understand the behavior of other agents (effectance motivation), and the desire for social contact and affiliation (sociality motivation). This theory predicts that people are more likely to anthropomorphize when anthropocentric knowledge is accessible and applicable, when motivated to be effective social agents, and when lacking a sense of social connection to other humans. These factors help to explain why anthropomorphism is so variable; organize diverse research; and offer testable predictions about dispositional, situational, developmental, and cultural influences on anthropomorphism. Discussion addresses extensions of this theory into the specific psychological processes underlying anthropomorphism, applications of this theory into robotics and human–computer interaction, and the insights offered by this theory into the inverse process of dehumanization. 

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  • Représentations des robots : imaginaire et éthique 

     

    Représentations des robotsA la veille de la tenue, à Lyon, de Innorobo, le 1er salon professionnel International de la Robotique de Services, cette synthèse se propose d’explorer l’imaginaire porté par les robots ainsi que les questions éthiques qu’ils soulèvent. Pourquoi fabriquons-nous des robots ? En quoi nous ressemblent-ils ? Quelles craintes éveillent-ils ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles nous avons cherche à répondre en nous aidant notamment d’œuvres de fiction. Ces dernières nous placent en effet dans des situations prospectives et nous permettent d’anticiper des questionnements éthiques. Car l’arrivée des robots ne se fera pas sans bouleversement ! Comment vivrons-nous avec eux ? Comment les considérera-t-on ? Pourra-t-on contracter avec eux ? Ces questions difficiles sont pourtant cruciales. Elles nous interrogent sur notre responsabilité et, plus largement, sur notre humanité. Car, en filigrane, derrière les questions posées par ces nouveaux êtres mécaniques, se pose toujours la question de l’homme, de son identité, de sa singularité.

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