• L'onomastique de Moby Dick

    Onomastique et humour : Mes notes de lecture de Moby Dick.

     Par Jean-Yves Cordier

    L'onomastique de Moby Dick"Il aimait à épousseter ses vieilles grammaires ; d'une certaine manière, cela lui rappelait qu'il était mortel." Herman Melville, Moby Dick. 

    Sur quel océan me suis-je embarqué ? Le fond de cet article ne pourrait jamais être sondé, fût-ce avec une ligne de 18 fils de 120 brasses. J'abandonne toute idée d'exhaustivité ; ce ne sera qu'une esquisse, que dis-je, même pas : l'esquisse d'une esquisse ; que Dieu me garde de jamais rien parfaire. Je publie en l'état. 

     

    I. ONOMASTIQUE. 

    S'il est un livre qui s'attache avec humour à l'origine des noms, comment cela ne serait-il pas Moby Dick ? Melville n'a-t-il pas dressé Humour et Étymologie comme deux marraines qui président au lancement de l'ouvrage, deux fières cariatides soutenant l'édifice, lui qui débute par son Étymologie (fournie par un pion de collège qui mourut tuberculeux) et la fait suivre par un petit prologue de ses Extraits, autoportrait en bibliothécaire parcourant l'océan des rayonnages, naviguant sans fin sur la mer Vaticane qui est un des grands bonheurs de la littérature comique? [si réussi, si hilarant que je résiste difficilement à me payer le plaisir de le recopier ici]. 

    Comment Melville choisissait-il les noms de ses personnages et de ses navires ? Glissait-il au hasard la lame acérée de son vistemboir sur la tranche dorée de sa Bible et de ses Encyclopédies pour y trouver, désigné par le doigt de Dieu, le nom de baptême de ses héros ? Pour trouver la réponse à cette question, il suffit d'inscrire sur son moteur de recherche "Onomastique" et Moby-Dick". Las, aucune réponse réelle sur les 1870 propositions (seulement). Allons, il suffit de consulter la riche bibliographie de l'édition Pléiade de Melville ! Aucun ouvrage, aucun article ne s'y consacre. L'onomastique de Moby-Dick, avec ces centaines de noms d'auteur, serait-il un serpent-de-mer qu' aucun universitaire n'oserait se vanter d'avoir capturé ? Impossible. Je suis, seulement, un piètre explorateur des immensités textuelles, et, dans quelque réserve, les mémoires consacrés à ce sujet mythique attendent, jalousement gardés par un directeur de thèse attendant sa grande heure, une triomphale publication sous son nom.  

    Ou encore, la Bête onomastique trop pourchassée aurait-elle sondé ? 

    Croulant sous son propre poids, le Sujet en or aurait-il été détruit par quelque Moïse par ordre d'un Éditeur jaloux ? 

    Ce vase séfirotique trop riche des 777 noms propres de l'Œuvre se serait-il brisé en d'innombrables étincelles qui, désormais mêlées à des scories qélipothiques et éparpillées dans les foot-notes de milliards d'ouvrages, ne pourraient plus être rassemblées ? 

    Qu'adviendra-t-il de ce misérable blog s'il se lance à la quête de ce Graal ? Est-ce ici le Lieu secrètement désigné depuis cent cinquante ans pour en voir, sonnez hautbois, résonnez musettes, le joyeux avènement en l'humble étable dont je serai l'âne? Ah, avec quel enthousiasme alors viendrais-je alors réchauffer de mon museau le petit être et lui faire les marionnettes avec mes oreilles ! 

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