• Sacré et mythe

    SACRÉ ET MYTHE : 

     « Le mythe est un système de communication, c'est un message », Roland Barthes.

     

    1001 nuitsLe mythe n'est donc ni objet, ni concept, ni idée, il est plutôt un mode de signification, une forme. Ainsi, pour que le langage devienne mythe, il lui faut des conditions particulières, comme des limites historiques, des conditions d’emploi, un environnement social précis, etc.

    Comme nous l'avons déjà vu, la parole doit être consacrée pour qu'elle soit sacrée, et c'est exactement cette parole sacrée qui est l'outil par lequel le mythe se raconte. D'ailleurs le mythe signifie « parole » ou « récit » en grec, il est cette parole, à la différence des contes, reconnue pour vraie par les sociétés traditionnelles, puisqu'il transmet des vérités archétypales aux hommes, grâce à son langage poétique accessible à tous.

    Les mythes se présentent comme l'explication des questions fondamentales que se pose toute société. Ils remontent au temps primordial : « le temps des commencements ». Ils ne peuvent être transmis que par le Verbe, c'est-à-dire, de bouche à oreille, de génération à génération ; ils sont l'expression du Verbe créateur. Mythe et conte se basent sur la parole, elle est leur force :

    Le mythe et le conte sont la parole dans sa première gestation. C'est pourquoi, si la parole est malade, comme le dit Vittorio Gasman, il devient urgent de revenir à ses fondements qui sont encore à notre disposition, à travers les mythes et les contes. Lorsque la parole ne fonctionne pas, c'est la violence qui gagne. Les mythes et les contes, par l'apprentissage du processus symbolique qu'ils proposent, sont là pour nous aider à faire sortir la parole de la violence. C'est de la naissance de l'homme lui-même dont il s'agit. 

    Le conte est l'exemple idéal afin de mieux comprendre l'importance de la parole. Dans sa tradition la plus originale et la plus profonde, il consiste à remettre l'auditeur, ou le lecteur de nos jours, dans la logique de la vie à travers sa symbolique.

    Parmi les contes les plus célèbres, ceux des Mille et Une Nuits occupent une place importante. Étant des contes populaires en arabe, d'origine persane et indienne, ils commencent par le conte de Shéhérazade. Celle-ci est une femme qui, contre l'avis de tout le monde, désire épouser un roi tueur de ses femmes, chacune le matin même de ses épousailles, et cela est du à une tromperie et une humiliation causées par sa propre femme. Pour le guérir, Shéhérazade lui raconte, chaque nuit, des contes inachevés avant le lever du soleil, afin de susciter son intérêt de savoir la suite et remettre sans cesse son projet de meurtre au lendemain. De fil en aiguille, il se passe mille et une nuits. Mais finalement, Shéhérazade est à court de conte, mais durant tout ce temps, elle a eu trois enfants et explique à son mari qu'il serait dommage que ces enfants restent sans mère. Le roi lui répond alors qu'il y a longtemps qu'il avait décidé de ne pas la tuer ; puisqu'elle est une femme pure et fidèle. Elle avait donc réussi à le guérir et à le remettre dans la dynamique de la vie.

    Les mythes fonctionnent comme les contes, avec des images, des figures et une structure qui nous renvoient à une forme d'inconscient collectif. Ils sont à la base de nos différentes cultures, qu'ils rattachent à un fond commun universel. [...] Ils nous révèlent les fondements de la vie sous ses différentes formes, soulignant les liens entre désir et violence, entre force de vie et force de mort. Ils dévoilent les ressorts cachés de la toute-puissance et ses conséquences désastreuses. Souvent ils parlent de chute, non pas pour nous décourager mais pour nous montrer que la chute elle-même est le temps de la fécondation et de l'accession de l'homme à sa propre humanité.

    Le mythe est donc un récit, fondateur et « instaurateur » comme le qualifie Paul Ricœur. Il explique le sens des rites et des interdits, l'origine de la condition des hommes. Anonyme, collectif et tenu pour vrai, sa force le rend supérieur aux autres types de récits. Et ayant une fonction socioreligieuse, il est un intégrateur social, « le ciment du groupe, auquel il propose des normes de vie et dont il fait baigner le présent dans le sacré ».